Pas si bête

Yagyu Tajima no Kami, professeur de sabre, avait pour animal de compagnie un singe. Celui-ci assistait fréquemment à l'entraînement des élèves.

Etant par nature extrêmement imitateur, le singe apprit la façon de s'en servir. Dans son genre, il était devenu un expert !

Un jour, un ronin (guerrier errant) exprima son désir d'essayer amicalement son habileté à la lance avec Tajima. Le Maître lui suggéra de combattre d'abord avec le singe. Le visiteur se sentit amèrement humilié. Mais la rencontre eut lieu.

Armé de sa lance, le ronin attaqua rapidement le singe qui tenait un shinaï (sabre en bambou). L'animal évita agilement les coups de lance. En passant à la contre-attaque, le singe réussit à s'approcher de son adversaire et à le frapper. Le ronin recula alors et mit son arme dans une garde défensive.

Profitant de l'occasion, le singe sauta sur le manche de la lance et désarma l'homme.

Quand le ronin, tout piteux, revint près de Tajima, le Maître lui fit la remarque suivante : « je savais depuis le début que vous n'étiez pas capable de vaincre le singe ».

Le ronin, depuis ce jour, avait arrêté de venir rendre visite au Maître. Plusieurs mois s'étaient écoulés quand il réapparut. Il exprima le désir de combattre le singe à nouveau.

Le Maître, devinant que le ronin s'était beaucoup entraîné, pressentit que le singe refuserait le combat. Il n'agréa donc pas la requête de son visiteur. Celui-ci insista et le Maître finit par céder.

Dès que le singe fut face à l'homme, il jeta son arme et prit la fuite en criant.

Tajima no Kami dit pour conclure : « Ne vous l'avais-je pas dit ? »

Peu après, il recommanda le ronin au service d'un de ses amis.

Le manteau magique

 

Yang Lu Chan, après une visite qui s'était prolongée tard dans la nuit, regagnait sa demeure. Comme il était en train de traverser l'un des quartiers les plus mal famés de Pékin, il marchait à grands pas, espérant ne pas faire de fâcheuse rencontre.

Et justement...une désagréable surprise l'attendait : au coin d'une rue, il se retrouva nez à nez avec des voyous qui lui barraient le passage. Se retournant pour prendre la fuite, il constata amèrement que ses arrières étaient coupés par le reste de la bande. Une trentaine de malfrats, armés de bâtons et de matraques, l'encerclaient. Yang Lu Chan n'essaya même pas de résister. Il se laissa dépouiller de sa bourse sans dire un mot et, quand les coups commencèrent à pleuvoir, il s'enroula dans son manteau et se laissa tomber à terre.

Les voyous se déoulèrent à coups de pied et de bâton sur Yang qui, enveloppé dans son manteau, ressemblait à un sac d'entraînement. Les agresseurs furent vite lassés de frapper ce corps inanimé et croyant qu'il avait eu son compte, ils ne tardèrent pas à l'abandonner.

Le lendemain, Yang Lu Chan trottinait dans les rues et se livrait à ses activités quotidiennes comme si rien ne s'était passé. En tout cas, il ne portait sur lui aucune trace des coups qu'il avait essuyés la nuit précédente...

Mais le plus surprenant dans cette histoire c'est que plusieurs de ses agresseurs avaient, eux, dû rester au lit ! Ceux qui avaient directement touché le manteau de Yang gardèrent leurs membres paralysés pendant quelques jours.

Yang Lu Chan (1799-1872) était en fait le plus célèbre Maître de Tai Chi Chuan de son temps. Bien que défié de nombreuses fois, il ne fut jamais vaincu. Il semble que dans cette embuscade nocturne, afin de ne pas risquer de tuer l'un de ses agresseurs, Yang ait choisi d'amortir les coups avec son « manteau magique ».

En Chine, on dit que de tels maîtres ont atteint un niveau où leur « Chi » (énergie) est si puissant que leur corps devient invulnérable, souple comme du coton, insaisissable. Mais par contre, quand ils vous touchent, vous ressentez la force d'une montagne, vous êtes paralysés comme si vous aviez reçu une décharge de courant à haute tension.

😶😶😶😶😶😶😶😶😶😶😶😶

 

Poussière d'étoile, l'homme est une parcelle de l'univers, son esprit et son corps forment un tout inséparable.

L'homme vit sur terre dans un environnement et subit les influences des saisons, du jour, de la nuit, du chaud, du froid. Il n'est pas le même le matin, le midi, le soir.

Les Chinois souhaitaient devenir immortels depuis 4000 ans, ils ont développé toutes sortes de moyens de prolonger la vie, en maîtrisant et en améliorant leur santé. C'est ainsi qu'ils découvrirent en eux le « qi », soit souffle de la vie, l'énergie qui est partout dans la nature.

Sous l'influence du « qi », du ciel, de la terre et de la lune, l'homme s'ajusterait en permanence pour se protéger des effets de la nature ; ainsi est née la pratique du qi gong dont ce fut et demeure toujours le but.

Le qi gong s'affirme comme moyen curatif et préventif, tout comme la médecine chinoise, la pharmacopée à base de plantes, la diététique, l'acupuncture et les massages.

Le « qi », c'est l'énergie, le « gong » c'est le travail, la technique.

La pratique du qi gong permet d'agir sur l'écoulement d'énergie dans le corps, excès ou manque d'énergie peut être ainsi rétabli dans tout l'organisme.

On distingue aujourd'hui cinq familles de qi gong :

  • le qi gong taoïste

  • le qi gong confcianiste

  • le qi gong bouddhiste

  • les qi gong martiaux

  • les qi gong médicaux

Leurs buts : renforcer, nourrir, nettoyer, équilibrer, réguler, harmoniser, faire circuler l'énergie.

 

Poème d'introduction à la pratique

La nuit est profonde, calme et silencieuse,

Chasse les dix milles soucis de la vie,

L'esprit concentré veille au Dantian

Et tientbien clos les « sept orifices »

Respire profondément, lentement et doucement

Forme en haut le « Pont de communication de l'énergie »

Le corps éprouve une sensation de légèreté,

Telle l'hirondelle au printemps,

Qui vole et virevolte jusqu'aux lointains nuages.

 

Bokuden et ses trois fils

Bokuden, grand maître de sabre, reçut un jour la visite d'un confrère.

Pour présenter ses trois fils à son ami, et montrer le niveau qu'ils avaient atteint en suivant son enseignement, Bokuden prépara un petit stratagème : il cala un vase sur le coin d'une porte coulissante, de manière à ce qu'il tombe sur la tête de celui qui entrerait dans la pièce.

Tranquillement assis avec son ami, tous deux face à la porte, Bokuden appela son fils aîné. Quand celui-ci se trouva devant la porte, il s'arrêta net. Après avoir entrebâillé la porte, il décrocha le vase avant d'entrer.

Refermant la porte derrière lui, il replaça le vase avant d'aller saluer les deux maîtres.

« Voici mon fils aîné, dit Bokuden en souriant, il a déjà atteint un bon niveau et est en voie de devenir Maître ».

Le second fils fut appelé. Il fit coulisser la porte et commença à entrer. Esquivant de justesse le vase qu'il faillit recevoir sur le crâne, il réussit à l'attraper au vol.

« C'est mon second fils, expliqua-t-il à l'hôte. Il a encore un long chemin à parcourir. »

Quand ce fut le tour du fils cadet, celui-ci entra précipitamment et reçut lourdement le vase sur le cou. Mais avant que le vase touche les tatamis, il dégaîna son sabre et le coupa en deux.

« Et celui-là, reprit le Maître, c'est mon fils cadet. C'est un peu la honte de la famille, mais il est encore jeune ... »

 

Le Maître des Trois Pics

Chang San Fong, le Maître des Trois Pics, avait une haute stature, un corps élancé et une constitution robuste qui lui donnaient un air redoutable. Son visage, à la fois rond et carré, était orné d'une barbe hérissée comme une forêt de hallebardes. Un chignon épais trônait au sommet de son crâne. Si son allure était impressionnante, son regard exprimait cependant une douce tranquillité, avec une lueur de bonté.

Il portait, été comme hiver, la même tunique fabriquée dans une seule pièce de bambous tressés, et il tenait le plus souvent un chasse-mouches fait d'une crinière de cheval.

Assoiffé de connaissances, il passa la plus grande partie de sa vie à pérégriner sur les pentes des monts Sen-Tchouan, Chansi et Houe Pe. Il visita ainsi les hauts lieux du Taoïsme, allant d'un monastère à l'autre, séjournant dans des sanctuaires et des temples que les pentes escarpées de la montagne rendaient difficilement accessibles. Il fut très tôt initié par les maîtres taoïstes à la pratique de la méditation. Partout où il passait, il étudiait les livres sacrés et il interrogeait sans relâche sur les mystères de l'Univers.

Un jour, alors qu'il méditait déjà depuis des heures, il entendit un chant merveilleux, surnaturel... Observant autour de lui, il aperçut sur la branche d'un arbre un oiseau qui fixait attentivement le sol. Au pied de l'arbre, un serpent dressait sa tête vers le ciel. Les regards de l'oiseau et du reptile se rencontraient, s'affrontaient.

Soudain, l'oiseau fondit sur le serpent en poussant des cris perçants, et entreprit de l'attaquer avec de furieux coups de pattes et de bec. Le serpent, ondulant et fluide, esquiva habilement les violentes attaques de son agresseur. Ce dernier, épuisé par ses efforts inefficaces, regagna sa branche pour reprendre des forces. Puis il repartit à l'assaut. Le serpent continua sa danse circulaire qui se mua peu à peu en une spirale d'énergie tourbillonnante, insaisissable.

La légende nous dit que Chang San Fong s'inspira de cette vision pour fonder le Wu-Tang-Pai, le style de la main souple qui, façonné par des générations de taoïstes, devint le taï chi chuan.

C'est pourquoi les mouvements et enchaînements du tai chi chuan, comme ceux du qi gong, n'ont ni début ni fin. Ils se déroulent souplement comme le fil de soie d'un cocon, et ils s'écoulent sans interruption comme les eaux du fleuve Yang-Tsé.

 

LA LOI DE L'EQUILIBRE

Ayant l'occasion de séjourner en Orient, au début du vingtième siècle, un Européen avait décidé d'y apprendre les arts martiaux. Il commença donc à suivre les cours d'un Maître renommé.

Mais quelle ne fut pas sa surprise quand, au bout de la troisième séance, il n'avait toujours appris aucune technique de combat ! Il s'était seulement exercé à des mouvements très lents, en décontraction.

A la fin de la séance, il décida d'aller trouver le Maître :

  • Maître, depuis que je suis ici, je n'ai rien fait qui ressemble à des exercices de lutte.

  • Asseyez-vous je vous prie, déclara le Maître.

L'Européen s'installa négligemment sur le tatami et le Maître s'assit en face de lui.

« Quand commencez-vous à m'enseigner les arts martiaux ? »

Le Maître sourit et demanda :

  • êtes-vous bien assis ?

  • Je ne sais pas... Y a-t-il une bonne façon de s'asseoir ?

Pour toute réponse, le Maître désigna de la main la manière dont il s'était lui-même assis, le dos bien droit, la tête dans le prolongement de la colonne vertébrale.

  • Mais écoutez, reprit l'Européen, je ne suis pas venu ici pour apprendre à m'asseoir.

  • Je sais, dit patiemment le Maître, je sais, vous voulez apprendre les arts martiaux. Mais comment pouvez-vous lutter si vous ne recherchez pas l'équilibre ?

  • Je ne vois pas vraiment le rapport entre la façon de s'asseoir et les arts martiaux.

  • Si vous ne pouvez pas rester en équilibre quand vous êtes assis, c'est à dire dans l'attitude la plus simple, comment voulez-vous garder l'équilibre dans toutes les circonstances de la vie, et surtout dans un combat ?

S'approchant de son élève étranger qui restait perplexe, le Maître le poussa légèrement. L'Européen tomba à la renverse. Le Maître, toujours assis, lui demanda alors d'essayer de le renverser à son tour. Poussant d'abord timidement d'une main, puis y mettant les deux, l'élève finit par s'arc-bouter vigoureusement contre le Maître, sans succès.

Soudain, ce dernier se déplaça légèrement et l'autre bascula en avant, s'étalant de tout son long sur les tatamis.

Esquissant un sourire, le Maître ajouta : « j'espère que vous commencez à comprendre l'importance de l'équilibre ».

 

L'INCROYABLE « QI »

Un maître du combat à mains nues enseignait son art dans une ville de province en Chine. Sa réputation était telle dans la région qu'il défiait toute concurrence : les élèves boudaient les autres professeurs. Un jeune expert qui avait entrepris de s'établir et d'enseigner dans les environs se décida un jour à aller provoquer le fameux Maître afin de mettre un terme à son règne.

L'expert se présenta donc à l'école du Maître, et un vieillard vint lui ouvrir la porte, lui demandant ce qu'il désirait. Sans hésiter, le jeune homme lui annonça son intention. Le vieil homme, visiblement embarrassé, tenta de lui expliquer combien cette idée était suicidaire, étant donnée la redoutable efficacité du Maître.

Pour impressionner ce vieux radoteur qui semblait douter de sa force, l'expert s'empara d'une planche qui traînait dans un coin et, d'un coup de genou, il la cassa en deux. Le vieillard demeura imperturbable. Le visiteur insista à nouveau pour combattre avec le Maître, menaçant de tout casser pour démontrer sa détermination et ses capacités. Le vieux bonhomme le pria alors d'attendre un moment et il disparut.

Quand il revint peu après, il tenait à la main un énorme morceau de bambou. Il le tendit au jeune homme en lui disant : « le Maître a l'habitude de casser avec un coup de poing des bambous de cette taille. Je ne peux prendre au sérieux votre requête si vous n'êtes pas capable d'en faire autant ».

S'efforçant de faire subir au bambou le même sort qu'à la planche, le jeune présomptueux dut finalement renoncer, épuisé, les membres endoloris. Il déclara qu'aucun homme ne pouvait casser le bambou à mains nues. Le vieillard répliqua que le Maître, lui, pouvait. Il conseilla au visiteur d'abandonner son projet tant qu'il ne serait pas capable d'en faire autant. Excédé, l'expert jura de revenir et de réussir l'épreuve.
Deux années passèrent pendant lesquelles il s'entraîna intensivement à la casse. Chaque jour, il se musclait et durcissait son corps. Ses efforts portèrent leurs fruits car il se présenta de nouveau à la porte de l'école, sûr de lui. Le même petit vieux le reçut.

Exigeant qu'on lui apporte l'un des fameux bambous pour le test, le visiteur ne tarda pas à le caler entre deux grosses pierres. Il se concentra quelques secondes, leva la main, puis il cassa le bambou en poussant un cri terrible.

Un sourire de satisfaction aux lèvres, il se retourna vers le frêle vieillard. Celui-ci fit un peu la moue et déclara : « décidément, je suis impardonnable, je crois que j'ai oublié de préciser un détail. Le Maître casse la bambou...sans le toucher ». Le jeune homme, hors de lui, répliqua qu'il ne croyait pas aux exploits de ce Maître dont il n'avait même pas pu vérifier la simple existence.

Saisissant alors un solide bambou, le vieil homme le suspendit à une ficelle qu'il accrocha au plafond. Après avoir respiré profondément, sans quitter des yeux le bambou, il poussa alors un cri terrifiant qui venait du plus profond de son être, et sa main, tel un sabre, fendit l'air pour s'arrêter à 5 centimètres du bambou, qui éclata.

Subjugué par le choc qu'il venait de recevoir, l'expert resta plusieurs minutes sans pouvoir dire un mot, pétrifié. Finalement, il demanda humblement pardon au vieux Maître pour son odieux comportement, et le pria de l'accepter comme élève.

Retour à l'accueil